Édito
Comptant parmi les cinq biennales internationales les plus importantes, la Biennale de Lyon, créée en 1991, s’impose, après plus de trente années d’existence, comme la manifestation phare en France dans le domaine de l’art contemporain.
Revendiquant avant l’heure un ancrage local fort, elle repose, depuis ses débuts, sur un modèle territorial original fondé sur le dialogue et l’échange avec les populations. Grâce à l’implication de tout son écosystème régional, elle contribue à la mise en avant de ses atouts, aussi bien géographiques, historiques que socioéconomiques et, bien évidemment, culturels. Elle favorise le recours à ses savoir-faire et compétences de haut niveau pour réaliser des productions originales imaginées par les artistes, dont les projets, en lien avec l’environnement qui les accueillent, constituent des expériences uniques.
Très attendue par un large public et plus particulièrement par les jeunes générations — lors de la précédente édition, plus de 46 % des visiteur·euses avaient moins de 26 ans —, elle démontre une dynamique exceptionnelle et une attention aux sujets d’actualité qui répondent aux attentes des publics curieux comme des amateur·ices d’art.
Après le succès unanimement reconnu de la Biennale 2022, la 17e édition de la Biennale d’art contemporain de Lyon, qui ouvre en septembre 2024, souhaite se réinventer et renouveler l’expérience de visite. Alors qu’elle se déploie dans deux nouveaux sites exceptionnels, elle permet de (re)découvrir non seulement la cité lyonnaise et son histoire, mais plus largement la métropole et la région, à travers des projets artistiques créés en écho avec les lieux, leurs récits et les populations qui les habitent.
La commissaire invitée pour cette nouvelle édition, Alexia Fabre, directrice des Beaux-Arts de Paris, dont le parcours s’est toujours tourné vers le soutien à la création contemporaine, a souhaité mettre au coeur de sa programmation les valeurs d’altruisme et d’accueil de l’autre. Intitulé « Les voix des fleuves Crossing the water », son projet propose un parcours le long du fleuve Rhône comme une métaphore de toutes les eaux qui se rejoignent pour former un courant plus fort, avec des implications dans toute la région, soit plus d’une quinzaine de territoires de la métropole de Lyon et d’Auvergne-Rhône-Alpes, qui permettent aux artistes de co-produire leurs oeuvres avec des participant·es volontaires, pour partager ces moments avec le plus grand nombre.
Isabelle Bertolotti,
directrice artistique
Projet artistique
Cette 17e édition de la Biennale de Lyon invite les artistes à évoquer, interroger, poursuivre le sujet des relations qui se nouent et se délient entre les êtres et avec leur environnement.
Pour ce projet, nous prenons appui sur la géographie naturelle et humaine du territoire comme sur l’esprit des nouveaux lieux de la Biennale, les Grandes Locos ou encore la Cité Internationale de la Gastronomie.
Ces sites, dont le macLYON est le plus lié historiquement à la Biennale, sont traversés par la question des relations et de l’accueil de l’autre. Ils incarnent l’histoire, la diversité, l’invention de pratiques de communauté. Leurs murs convoquent des rituels de convivialité et des façons d’être et de faire ensemble.
Les artistes font résonner les voix singulières de ces lieux, leurs récits comme leurs caractéristiques sociales. Les murs portent encore les traces de celles et ceux qui y ont travaillé, habité, vécu. Ces lieux de construction et de réparation, de soin et d’hospitalité, d’attention à l’autre dévoilent autant de destins que de types de relations, normées, programmées, imaginaires, espérées.
Les univers des artistes, à qui nous avons voulu offrir la place de se déployer, composent une partition dans l’espace, un récit choral qui croise leur création et leur relation aux lieux, aux autres, aux générations qui les environnent, aux amitiés qui se nouent, aux collectifs qui se créent pour mener une lutte commune, ou dans l’espoir de relations pour la vie. Ce sont autant de voix singulières qui s’élèvent pour exprimer des revendications, crier des injustices, mais aussi avec une adresse plus personnelle, dans des « Conversations entre amis¹ » autour de ce qui nous fait tenir ensemble, ce qui se fait et se défait, se ressemble ou se sépare.
Les artistes qui ont répondu à notre invitation viennent d’horizons multiples, beaucoup vivent en France. Nous avons souhaité les mettre en dialogue à différents moments de leur vie d’artiste, en donnant une voix forte à la création émergente, à celles et ceux qui ont quitté il y a peu leurs écoles d’art et qui vont à la rencontre du monde.
L’existence d’un·e artiste repose souvent sur l’attention de l’autre et sur le rôle et la valeur que la société lui reconnaît. C’est une conviction partagée avec la Biennale de Lyon, qui porte ce sujet du lien entre la création et le public depuis tant d’années, dans une dimension aujourd’hui élargie de son territoire, embrassant la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Dans des situations humaines, géographiques et de productions diverses, plusieurs artistes sont invité·es à aller à la rencontre des populations et de savoir-faire qui deviennent autant de sources d’inspiration, d’expérimentation que d’occasions de co-création.
Leurs oeuvres seront parfois restituées sur place, ou dans les sites d’exposition, dans un double mouvement de réciprocité.
Si l’altérité est parfois un risque, nous pensons qu’il s’agit d’un risque nécessaire, la chance de la découverte, le sel de la vie. Les fleuves et cours d’eau charrient ces récits d’échanges et de rencontres, de produits rares tel le sel, de conquêtes et de découvertes, des histoires duales, où la relation à l’autre peut prendre des tours et détours variés, de la contestation à la confluence. L’espoir à revendiquer, c’est l’espace du débat et de l’invention de soi parmi et avec les autres.
Alexia Fabre, commissaire invitée